Esaïe 62 à 64

S'ouvrir au bonheur, Esaïe 62.1 à 5

Par amour pour toi, Jérusalem, je ne me tairai pas […] Je ne resterai pas sans agir. J’attends […] que ton salut brille comme une lampe allumée (v 1)

Le prophète utilise l’image du mariage pour annoncer un temps de bonheur. Il parle au futur. Pour l’instant, les fiancés ne vivent pas encore le bonheur. Mais il  leur est promis. Le mot  salut n’est guère compréhensible à notre époque car, sur le plan spirituel, peu de gens cherchent à être sauvés. Ils cherchent à être sauvés des malheurs de l’existence et c’est exactement le sens des prophéties d’Esaïe. C’est bien d’un temps de bonheur dont parle notre prophète et nous devrions traduire le mot salut par le mot bonheur.

Ici, le bonheur de Jérusalem vient de Dieu. Il va agir (verset 1) et il va sauver son peuple du malheur (verset 2). Alors que chacun, chacune se demande de nos jours ce qu’il doit faire pour vivre heureux, ce texte ne parle que de l’agir de Dieu. Pour Esaïe, prophète de bonheur, le rôle de Jérusalem semble simplement de s’ouvrir au bonheur à venir. Cette prophétie d’Esaïe, c’est la vie, dans une vision sereine.

 

Le droit au bonheur, Esaïe 62, 6 à 12 

 Vous les veilleurs qui obligez le Seigneur à se souvenir de Jérusalem, ne vous reposez pas (v 6b)

Esaïe présente la vie, vision sereine car le bonheur semble constituer une sorte de droit. Chacun(e), se demande que faire pour vivre heureux ? Pour Esaïe il faut rappeler à Dieu son engagement, son devoir de bénédiction. Dieu aurait-il des devoirs ? Le texte le suggère : le verset 7 parle de rétablir. En clair, la paix et la prospérité constituent l’état normal de Jérusalem et le malheur une anomalie à laquelle Dieu doit remédier.

La vocation du peuple est d’obliger le Seigneur à se souvenir de Jérusalem mais aussi, dans les derniers versets, à accueillir la bénédiction de Dieu. Il leur faut enlever les pierres (verset 10) ! Les pierres encombrent souvent la route du bonheur. Pas si simple de les enlever pour accueillir les bienfaits de Dieu. Il faut sortir de la ville. Notre prophète du bonheur invite à sortir pour enlever ces pierres qui encombrent nos portes.

 

Quand Dieu se sent seul, Esaïe 63.1 à 6

J’ai regardé : personne pour m’aider ! J’étais très étonné. Personne pour me soutenir (v 5a)

Dieu en action ! Esaïe utilise l’image de la vigne et du vin. Dieu décide d’agir lui-même. Au-delà de cette image, le prophète présente un Dieu qui s’étonne de ne pas être aidé. La solitude de Dieu ! Dieu se retrouve seul dans son combat pour le bien-être et cela l’étonne. A notre tour d’être étonné de l’étonnement de Dieu. Car s’il a créé, comment peut-il s’étonner des comportements de sa créature ? En fait il semble bien que Dieu souhaite collaborer avec les humains pour embellir son œuvre.

Certes, d’après Esaïe, Dieu agit seul, mais le prophète y voit une anomalie. D’où l’étonnement de Dieu. Dieu n’a pas pour vocation de se substituer aux humains et il n’intervient qu’en ultime recours. Notre vocation humaine consiste à collaborer à la lutte contre le mal, inaugurée par Dieu lorsqu’il mit en ordre le chaos primitif. D’après Esaïe Dieu se sent parfois seul dans la lutte contre le mal mais, à l’inverse, lorsque nous, nous luttons contre le mal, il ne nous laisse jamais seul.

 

Une foi concrète, Esaïe 63.7 à 16

Alors son peuple s’est souvenu du passé, du temps où Moïse était avec lui : Ou est-il, celui qui a fait remonter son peuple de la mer, son troupeau avec ses bergers ? Ou est-il, celui qui a mis son Esprit Saint au milieu d’eux ? (v. 11)

La foi d’Israël revêt une forte dimension concrète. Esaïe a utilisé les images parlantes des mariés, du pain et du vin abondants etc. voici maintenant une référence, encore bien plus concrète : le rappel de l’histoire. La foi d’Israël s’enracine dans un événement : l’irruption de Dieu dans l’histoire. Ce rappel des bienfaits passés va dans le même sens que les images précédentes : la vocation au bonheur du peuple de Dieu. La principale caractéristique de Dieu, c’est la bienveillance. Il l’a prouvé dans le passé et la situation de malheur est une anomalie.

Le regard sur le passé peut aider tout un chacun. Un passé heureux peut inviter à la nostalgie mais il peut aussi donner des forces dans les temps difficiles pour regarder vers un horizon meilleur. Le passé est certes définitivement révolus mais le souvenir des temps heureux peut se transformer en espérance, en tout cas c’est le message de notre prophète de bonheur : le retour des beaux jours est toujours possible.

 

Nous ne savons pas, Esaïe 63.17 à 64.3

Seigneur, tu nous as laissé nous perdre loin de ton chemin, tu as laissé nos cœurs se fermer et refuser de te respecter. Pourquoi donc ? Reviens, par amour pour nous qui sommes tes serviteurs, le peuple qui t’appartient ! (v. 17)

Oui, dans la vie tant de choses arrivent, sans que nous l’ayons ni cherché, ni voulu, ni compris ! Et nous voilà dans le regret ou même dans le remords. Combien de fois entendons-nous dire : Si j’avais su …  Or, si nous avion su ...  nous n’aurions pas été des humains ! Cela fait partie de notre condition et si nos choix s’avèrent malheureux cela ne nous empêche pas de rester des enfants de Dieu. Vouloir tout maitriser, c’est refuser notre humaine condition. Ainsi les conséquences de nos actes peuvent s’avérer heureuses ou malheureuses mais nous ne sommes pas dans la dualité faute-réussite, culpabilité-innocence. Nous sommes dans la joie de la bénédiction ou dans la tristesse de la malédiction. Mais nous restons le peuple qui t’appartient.

La foi c’est cette confiance de base : quelles que soient nos capacités de compréhension, nos interrogations et nos désarrois, nous gardons l’infinie noblesse d’être Enfant de Dieu.

 

L'utilité de la lamentation, Esaïe 64.4 à 11

Seigneur, est-ce que ces malheurs ne te touchent pas ? Est-ce que tu peux garder le silence et nous écraser d’une honte insupportable ? (v 11)

Il est assez mal vu de se lamenter. Lorsqu’une personne se plaint nous avons envie de lui dire : Prend-toi en main comme si elle était responsable de son malheur ou, encore plus cruel : Il y des situations pires que la tienne comme si, le malheur des autres pouvait atténuer les souffrances de l’un ! Rien de tel dans la Bible. Le malheur est pris au sérieux et considéré comme une anomalie. La lamentation en devient légitime et c’est un des moyens offert par Dieu pour atténuer les souffrances. La lamentation est même ici teintée de reproche envers Dieu, preuve que le malheur est une situation illégitime. Ce qui est légitime, c’est une vie de bénédiction. Il n’est bien sûr pas question de se complaire dans son malheur, de se satisfaire des lamentations ou d’envahir les autres avec nos pleurs. Il s’agit simplement de se révolter contre le mal en rappelant que l’humain est destiné à la bénédiction. Bien utilisée, la lamentation peut se transformer en énergie pour renaître et repartir à l’assaut de l’existence.